Travail de l'ES en SESSAD : impression de ne pas rencontrer la personne

[Piwi]

Bonjour,

je viens vers vous car je suis en pleine remise en question.

Je viens de terminer ma formation d'éduc spé. Jusque là, j'ai toujours eu l'impression de rencontrer la personne accompagnée, de créer une relation, de l'accompagner...
Aujourd'hui, je travaille en SESSAD auprès de jeunes avec autisme. Je ne les rencontre qu'une fois par semaine, ce qui fait que je ne suis que 6h par semaine auprès d'eux (sur 35h).
Au-delà du fait que je m'ennuie, même si je suis tout le temps occuper au bureau pour préparer mes séances, j'ai l'impression de passer à côté de la rencontre et de l'accompagnement éducatif.


peut-être est-ce du au fait qu'ils soient autistes et que la régularité soit de mise ? Est-ce pareil dans les autres sessad ?

Pour le moment, j'ai l'impression de seulement appliquer les procédures du projet individualisé et de passer à côté de mes valeurs...

Merci à ceux qui voudront bien partager leurs expériences

[Didine]

Bonjour,
Je suis aussi ES exerçant en SESSAD depuis 5 ans (avant expérience d'une bonne dizaine d'années en IME).

Le SESSAD ans lequel j'exerce accompagne des enfants, adolescents et jeunes adultes qui rencontrent des difficultés au niveau cognitifs (anciennement appelés déficients intellectuels) mais il est aussi adossé à une ULIS école pour des enfants porteur de troubles envahissants du développement.
A temps plein, le suis à mi-temps à l'ULIS TED et l'autre mi-temps en SESSAD classique.
Effectivement, le travail en SESSAD est spécifique, nous exerçons après du jeune dans son environnement (scolaire, professionnel, social, familial...) donc c'est très diversifié.
En moyenne là où je travaille, chaque jeune est rencontré par un professionnel de l'équipe 3 fois par semaine (une fois par l'éducateur spécialisé qui est aussi référent de projet du jeune, les deux autres fois sont selon les besoins : orthophoniste, psychomotricien, psy, co-animation éduc/thérapeutique... Au delà de 3 accompagnements par semaine, c'est un indicateur qui nous dit que le jeune a besoin d'un accompagnement plus soutenu.
Pour la rencontre, effectivement,comparé à un poste en établissement (IME; ITEP...) nous rencontrons le jeune beaucoup plus épisodiquement mais sa place est dans le cadre scolaire "ordinaire" et non spécialisé. Nous venons juste soutenir par petite touche sa scolarité afin qu'elle se déroule dans les meilleures conditions. D'où un travail auprès du jeune sous forme d'accompagnement individuel de 3/4 d'heure par semaine ou en en collectif (atelier co-animé) mais aussi un travail très conséquent auprès des partenaires (sensibilisation, ressources, liens, ...).
La rencontre est certes brève, hebdomadaire et non quotidienne mais il se passe beaucoup de choses. On apprend par petites touches à les connaître, les apprivoiser, et eux petit à petit apprenne à nous cerner, à avancer avec nous, à nous donner, nous faire confiance pour avancer ensemble et se confronter à de nouvelles expériences, à la nouveauté qui leur faire tant peur !

Nous travaillons aussi beaucoup avec les parents : envoi par mail ou par cahier de photos, de petits textes de ce qui se passe en séances. Les parents nous apportent aussi beaucoup du fonctionnement de la connaissance de leur enfant, quel gain de temps pour nous. Et les parents sont parti prenante dans le projet de leur enfant.

La durée des séance est courte mais elle est intense, ces 3/4 d'heure nous permettent de recueillir tellement d'éléments sur l'enfant que l’on accompagne, tout est concentré dans notre travail mais cela nous amène a beaucoup travailler nos compétences d'observations, de recueil d'info par tous les moyens, d'analyse, d'échange, de liens. On ne s'ennuie pas et la relation est bien là mais elle est différente que celle qu'un enfant peut partager avec un éduc qui travaille en institution c'est clair.

A bientôt

Didine

[Piwi]

Merci pour ta réponse Didine.

Je parlais plutôt de rencontre dans le sens de la relation, d'accueillir l'autre.
Sur 35h, je ne vois les jeunes que 5 à 7h par semaine, ce qui fait très peu. En fait, j'ai surtout l'impression d'appliquer "bêtement" ce qu'on me demande au travers du PI et de ne pas accorder d'importance au reste.

Par exemple, j'ai annoncé à un des jeunes qu'il avait le droit de me dire qu'il n'avait pas envie de faire telle activité, ou qu'il pouvait choisir la durée de sa pause en fonction de sa fatigue... Il était très surpris. A 18 ans, personne ne lui avait laissé le choix jusque là.
Aussi, il n'y a pas d'analyse des pratiques. Nous n'avons que des réunions concernant l'organisation, l'échéance pour rendre nos écrits...

Peut-être ai-je cette vision très négative et très fermée du fait de mon expérience dans des structures type foyers, avec le quotidien comme outil...

[Didine]

Bonjour Piwi,
Pour moi, la relation n'est pas une question de temps passé avec le jeune mais plutôt ce qui s'y passe. Le temps passé en accompagnement est très concentré mais tu es disponible 100% pour ce jeune.
L’accueil, l'écoute, la disponibilité (dans le sens où le jeune sent que tu es là pour lui, pour son projet...) ne sont pas pour moi une question de temps, de nombre d'heures passées.
On peut passer trois heures à discuter avec un jeune et ne pas se rencontrer, rien ne se passe et à contrario le voir 3/4 d'heure et la relation est construite, il sait qui tu es, quelle place tu as, ce que tu peux lui apporter, il peut aussi oser, prendre des risques avec toi par le biais de support d'activités diverses, sans qu'il y ait les mêmes enjeux que dans le cadre scolaire. Effectivement, tu n'as pas le quotidien comme support mais tu apprends à connaitre chaque jeune, tu vois ses gouts, ses appétences ça aide pour les supports proposés.

En SESSAD c'est clair que les écrits sont prenant, on y passe du temps entre les comptes- rendus de rencontre, d'ESS, les synthèses médico-éducatives,... c'est lourd mais ce que l'on a à dire passe par les écrits. Il y a tellement de partenaires différents que tout passe par ce biais là.

[Didine]

J'avais pas fini
Dommage qu'il n'y ai pas d'analyse de pratique là où tu bosses. Je trouve que c'est essentiel. En SESSAD, on se retrouve souvent "seul" à gérer des situations, à faire faire à l'imprévu, à s'adapter à ce qui se passe... Bien sûr nous ne sommes pas en free lance car il y a le projet de service, ses missions,... mais des instances telles que l'analyse des pratiques ou bien de temps clinique permettent de mettre en commun une situation, un fait, une problématique, d'y réfléchir en équipe pluridisciplinaire et d'adapter notre pratique, ouvrir le projet à d'autres perspectives... On est en perpétuelle évolution et ces temps là sont nécessaires pour cela, c'est un garde-fou en quelque sorte.